Après avoir conquis les villes stratégiques de Goma et de Bukavu, le groupe armé connu sous le nom de Mouvement du 23 mars (M23) a renforcé son emprise sur l’est tumultueux de la République Démocratique du Congo (RDC). Cette avancée militaire, se déroulant en flagrante violation des accords de cessez-le-feu établis, a semé une profonde terreur parmi les populations locales, contraignant des communautés entières à abandonner leurs foyers.
En conséquence, plus de deux millions de personnes ont été déplacées dans cette région instable de la RDC. Rien qu’en 2024, près d’un million de personnes ont été déracinées, illustrant l’ampleur humanitaire alarmante de cette crise en cours.

Les civils sont actuellement pris au piège dans une crise humanitaire extrêmement grave, marquée par une recrudescence des violences sexuelles et sexistes. Cette forme de violence ne se contente pas de provoquer des déplacements forcés, car les femmes qui en sont victimes se retrouvent également exposées à un risque accru d’autres formes de violence de genre pendant les périodes de conflit.
Des indicateurs alarmants montrent une intensification de cette violence sexiste : seulement au cours des deux dernières semaines de février 2025, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a rapporté que 895 cas de viols ont été signalés aux équipes humanitaires. Des études antérieures ont souligné que la violence sexuelle et sexiste tend à persister durant les phases de transition politique et à s’aggraver dans des contextes où les forces étatiques armées sont supplantées par des groupes rebelles.
Pour mieux cerner ces risques et facteurs de déplacement, des chercheurs de l’organisation congolaise Solidarité Féminine Pour La Paix et le Développement Intégral (SOFEPADI) ont mené des entretiens en décembre 2024. Ils ont questionné 89 femmes déplacées ainsi que 30 membres d’organisations de la société civile œuvrant dans les camps de personnes déplacées internes près de Goma.
En collaboration avec une équipe de recherche coordonnée par Martin Baguma, agent du programme SOFEPADI, et Sandrine Lusamba, coordinatrice nationale, et avec la contribution de Cora Fletcher, étudiante en maîtrise à l’Université Dalhousie, un rapport détaillé a été récemment publié. Ce document expose certaines des conclusions majeures issues des entretiens.
La quasi-totalité des personnes interrogées avait subi ou été témoins de violences sexuelles ou sexistes. Malgré la prudence des enquêteurs qui ont évité de poser des questions susceptibles de raviver des traumatismes, de nombreuses femmes ont choisi de partager leurs expériences personnelles.
En seulement six mois, une situation déjà critique pour les femmes et les filles s’est encore considérablement dégradée. Les femmes déplacées ont une probabilité particulièrement élevée d’avoir subi des violences sexuelles et sexistes dues au conflit : 97 % des participantes à l’enquête ont été victimes ou témoins de telles violences, l’une d’elles affirmant que ces agressions avaient directement contribué à son déplacement forcé.

Les troupes du M23 n’étaient pas l’unique entité désignée comme responsable des violences sexuelles et sexistes durant les déplacements et dans les camps de réfugiés. La crise a engendré une propagation généralisée de telles violences, résultant d’agissements de différents groupes et forces armées, parmi lesquels l’armée congolaise, des milices alliées, des civils ainsi que des groupes de bandits.
La multiplicité des acteurs impliqués, la difficulté à les identifier de manière précise, conjuguées à la fluidité du statut des civils et des membres de milices, compliquent la tâche de rendre les individus responsables de ces actes et d’implémenter des mécanismes efficaces pour prévenir les violences sexuelles et sexistes à travers des initiatives ciblées.
En dépit de la forte présence des forces internationales dans la région de l’est de la République Démocratique du Congo, les acteurs de la société civile, ainsi que les femmes déplacées, ont exprimé une confiance limitée quant à la capacité de ces forces à empêcher les violences sexuelles et sexistes.
Goma, bien qu’étant le centre névralgique de la mission de maintien de la paix des Nations Unies (MONUSCO), ne semble guère inspirer confiance parmi les déplacés : sur les 89 femmes interrogées, une seule a mentionné la MONUSCO comme une force assurant la sécurité dans les alentours des camps. Beaucoup des répondants perçoivent ces forces internationales comme virtuellement absentes.


















